D’hier à aujourd’hui : 116 ans de conservation, de préservation et de diffusion de la collection permanente

D’hier à aujourd’hui : 116 ans de conservation, de préservation et de diffusion de la collection permanente

Montréal, 21 juin 2022

Dans ce huitième article de la série Saviez-vous que…, nous nous intéressons à la naissance de la collection permanente. Nous cherchons à savoir comment la collection est née pour ensuite perdurer jusqu’à aujourd’hui. De plus, nous avons souhaité découvrir si nous possédions des pièces de notre collection qui ont été acquises au tout début de notre organisation. Donc, sans plus tarder nous vous présentons nos découvertes.

D’hier à aujourd’hui : 116 ans de conservation, de préservation et de diffusion de la collection permanente

L’histoire de la collection permanente de La Guilde commence au début du 20e siècle. La réunion du comité exécutif du 11 juin 1908 est le moment décisif de cette nouvelle aventure. En effet, l’une de nos fondatrices, Mme Alice J. Peck, propose la création d’un fonds, qui permettrait de mettre en place une collection permanente, afin de « conserver certaines choses irremplaçables déjà en stock » (Phillips 1908). Après tout, cela est la base de toute collection.

Ce désir de créer une collection permanente part du fait qu’il est déjà important pour La Guilde de conserver les objets artisanaux d’un bout à l’autre du Dominion (Canada). De plus, il demeure essentiel de conserver les traditions et la culture autochtone, ce qui, à ce jour, demeure notre mission principale. C’est donc ainsi que débutent les efforts dans le but de créer une collection permanente qui ferait la promotion des arts d'ici. Toutefois, afin d’y parvenir, le comité doit rapidement se procurer de nouvelles pièces uniques. En effet, bien que l'on possède des œuvres dans la réserve muséale, nous devons faire de nouvelles acquisitions afin de pouvoir parler d’une véritable collection permanente. Nous ne sommes pas parvenues à trouver des images de la réserve avant 1965 (fig. 1-2), nous supposons cependant que celle-ci était semblable à l’image vue ci-dessous, à l’exception des œuvres qui peuvent être différentes. Étant donné que cette tâche demande énormément de travail, le comité de la collection permanente est créé avec Mme Helene Savage en tant que première responsable (Tait 1908).

Ce n'est que quelques années plus tard, vers les années 1940, que La Guilde met en place le « Indian and Eskimo Committee » qui a pour rôle de promouvoir, non seulement les arts des Premières Nations, comme c’était le cas depuis la création de The Handicraft Canadian Guild, mais aussi l’art Inuit (Lighthall 1939, 26). C'est à partir des années 1950, avec l’arrivée de James Houston que l'intérêt pour cette forme d’art se développe, lorsqu’il commence à exporter des sculptures et des gravures Inuit provenant principalement de Kinngait (Cape Dorset, NU). Cette fascination pour l’art Inuit, qui compose 60% de notre collection permanente actuelle, se ressent encore aujourd’hui. Pour plus d’information sur l’ouverture du marché de l’art Inuit et sur le travail de James Houston, voir Vers le Nord : Une magnifique aventure et Saumik (James Houston) : Le qallunaaq qui a changé l'art Inuit.

Une histoire d’acquisition, de préservation et de conservation

Mme Savage est nommée la première responsable de la collection et est chargée d’amasser 40 $ [une somme aujourd’hui équivalente à 1 257 $], afin d’acquérir une rare collection de quillwork (Tait 1908). Les quillworks utilisent une technique de revêtement des textiles qui utilise les piquants de porc-épic à des fins esthétiques. En effet, grâce aux informations retrouvées dans nos archives, dans les rapports annuels de 1908-1909, ainsi qu’aux informations offertes par le livre Micmac Quillwork: Micmac Indian Techniques of Porcupine Quill Decoration: 1600-1950 par Ruth Holmes Whitehead (que vous pouvez retrouver dans notre centre de documentation), nous sommes presque certaines qu’il s’agit de la première œuvre acquise par La Guilde (Hibbert 1908, 61 ; Keenan 1908). Nous sommes très heureuses que celle-ci fait toujours partie de notre collection permanente (voir l’image dans Une lettre d’amour à nos fondatrices : Les origines).

Il est important de faire la distinction entre les origines de la collection permanente de La Guilde et les efforts des fondatrices à la boutique — nommée Our Handicraft Shop à l’époque. Les deux connaissent une croissance parallèle tout en demeurant distinctes. Lorsqu’une œuvre, initialement acquise auprès d’un artiste ou d’une communauté autochtone pour la boutique se démarque par sa valeur exceptionnelle, celle-ci est acquise pour la collection permanente. C’est donc grâce aux acquisitions de la boutique, achetées avec l’argent amassé par Mme Savage, qu’est née la collection permanente. Au cours des années suivantes, plusieurs nouvelles pièces sont acquises. Parmi celles-ci se trouve un don, fait en 1912, de Chair Back in cloth, embroidered in dyed moose hair (Finniss 1912, 10). Selon la description retrouvée dans nos archives, cette pièce se trouve toujours dans notre collection permanente.

En 1914, le contenu de la collection permanente devient si important que les comités se réunissent afin d'inventorier et cataloguer les œuvres. Au cours de cette année, cinq nouvelles acquisitions s’ajoutent aux soixante-dix œuvres existantes. Pendant des années, les acquisitions ne cessent de s’accumuler. En effet, nous supposons que plusieurs œuvres ont dû être données, notamment à la Montreal Art Association [aujourd’hui le Musée des beaux-arts de Montréal]. Cela peut s’expliquer par le fait que la collection permanente est devenue trop grande pour l’espace disponible et qu’un choix déchirant à dû être fait dans le but de libérer la réserve afin de pouvoir continuer à recevoir d’autres œuvres. La collection permanente de la Guilde passe donc de 75 œuvres en 1914 à 57 oeuvres en 1931 (Savage 1914, 12 ; Judah 1931, 16). Un fait bien malheureux si vous voulez notre avis !

Malgré la perte de ces pièces, la collection continue de grandir, et un registre est éventuellement mis en place (Judah 1931, 16). Dans celui-ci se retrouvent des informations telles que le nom de l’objet, sa description, la date d’acquisition, le lieu d’acquisition et son coût. Ces informations, qu’on amasse encore aujourd’hui pour toutes nos œuvres, sont essentielles afin de demeurer au courant de ce qui se trouve dans la collection. Cependant, étant donné les nombreux changements par lesquels passe la collection permanente, l’introduction de ce registre ne nous permet pas d’obtenir un historique complet des œuvres ayant été acquises par La Guilde. Par exemple, il est possible que les dons d'œuvres faits dans le but de libérer de l’espace n’aient pas tous été pris en note. Ce genre de manquement rend ardu le suivi exhaustif du contenu de la collection permanente.

Il est aussi important d’aborder l’aspect préservation et conservation de la collection, car on ne peut parler d’une collection permanente sans mentionner le travail des suivis qui assurent sa protection ainsi que les autres travaux qui permettent de la préserver. Ainsi, c’est en 1914 que La Guilde fait restaurer des œuvres pour la première fois. Il s’agit de deux pipes autochtones, remises sur pied par le restaurateur Dr Barnes (Savage 1914, 12). De plus, dans le but d'assurer leur préservation, un membre de La Guilde fait don de boîtes pour les protéger de la poussière et des mites.

Enfin, durant les années qui ont suivies, plusieurs dons et achats sont faits pour assurer la conservation et la préservation de la collection permanente. Notamment, l’achat de boîtes qui servent à transporter les œuvres pour les expositions qui se tiennent à travers Montréal et le reste du Canada. Toutefois, vers les années 1930, on cesse cette pratique par souci de réduire les coûts de La Guilde (Dunford 1932, 25).

La diffusion d’une collection

Posséder une collection permanente n’a pas d’intérêt si le but ultime n’est pas sa diffusion. Pour cette raison, en 1915, La Guilde fait l’achat d’une caisse de voyage permettant de transporter les œuvres de la collection permanente pour d'éventuelles expositions (Ryde 1915). L’achat de ce matériel indispensable permet à La Guilde de présenter sa collection permanente partout à travers le Canada. Il s’agit d’un aspect fort avant-gardiste pour l’époque en question.

« Il est important que La Guilde trouve un lieu où sera exposée de manière permanente la collection, bien que la collection soit petite, le matériel est excellent et mérite d'être exposé » (Judah 1933, 26). Telle est la résolution du comité de la collection permanente, qui dans le rapport annuel de 1933, trouve important de présenter la collection dans un lieu permanent après avoir présenté celle-ci dans différents lieux depuis sa création. On peut expliquer ce changement de mentalité par un désir de protection et de préservation de sa collection permanente contenant des œuvres uniques. C’est ainsi que La Guilde déménage dans ses nouveaux locaux au 2019 Peel Street, ce qui permet d’exposer la collection en permanence dans ses locaux (Bovey 1933, 1-2).

En 1918, La Guilde aide la Montreal Art Association à développer sa propre collection permanente, ce qui permet aussi d’exposer la collection permanente de La Guilde puisque celle-ci s’engage à leur fournir une sélection d'œuvres appropriées pour sa présentation. Ces œuvres qui avaient préalablement été inspectées par La Guilde devaient dorénavant être exposées pour une durée d’un an dans les locaux de la Montreal Art Association (Minutes 1918). L’aide fournie par La Guilde démontre l’effort considérable fait par celle-ci afin de construire sa collection qui servirait de modèle à d’autres institutions. De plus, entre 1922 et 1927, La Guilde fait don de plusieurs œuvres à l’Association, – nous croyons que ceci s’explique, tel que mentionné précédemment , par le manque d’espace.

Les nouvelles caisses de voyage, les ententes avec la Montreal Art Association, ainsi que les nouveaux locaux sur la rue Peel permettent de présenter la collection de La Guilde autant dans ses espaces d’exposition qu’ailleurs dans le monde. Après tout, « [...] l’intention première de la collection de La Guilde est de fournir d’excellents exemples d’études aux artisans » (Easton McLeod, 201).

The Canadian Handicraft Guild (La Guilde), en partenariat avec la Handicraft Association of Canada, représente l’artisanat canadien à l'Exposition internationale sur l’art, l’artisanat et les sciences de 1937 à Paris (Marriot 1937, 6). Cette exposition (fig. 12) à l’étranger présente l'artisanat canadien et les œuvres des métiers d’art canadiens. De plus, elle présente la temporalité entre l’ancien et le nouveau que ce soit dans la technique ou dans les œuvres en soi. Plusieurs autres expositions se sont tenues par la suite, dans le but de présenter la collection permanente jusqu’à aujourd’hui. Notamment, notre exposition permanente actuelle intitulée Trilogie des matières : Une collection.

La Guilde continue toujours à faire la promotion des œuvres de sa collection permanente. Celles-ci sont présentées non seulement à travers l’exposition permanente, mais également lors des expositions temporaires autour de thématiques spécifiques. Elle permet de présenter des artistes actuels œuvrant dans les métiers d’art et l’art autochtone, mais également les œuvres d’antan acquises par La Guilde au fil des années. Malgré la grande diversité que représente la collection permanente, un grand nombre d'œuvres ayant autrefois appartenu à La Guilde se retrouvent maintenant dans les grandes collections de plusieurs autres institutions à travers le Canada. Toutefois, il reste que les œuvres conservées datant des premières années constituent un héritage précieux et inestimable. Nous croyons fortement en la richesse et la beauté de la collection de La Guilde qui ne cesse de nous émerveiller.

Amel Goussem Mesrati
Préposée aux archives
Avec la collaboration de Genevieve Duval, Sydney Guy, Colin Jobidon-Lavergne.

RÉFÉRENCES

  • Bovey, Wilfrid. « The Guild in 1933. » Dans Annual Report of The Canadian Handicrafts Guild, Montreal 1933, 1-2. Les Archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Dunford, A.T.Galt. « Work of the Educational and Technical Committee in 1932. » Dans Annual Report of The Canadian Handicrafts Guild, Montreal 1933, 25. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Easton McLeod, Ellen. Entre bonnes mains. La Guilde : Un siècle de savoir-faire canadien. Montréal : Carte Blanche, 2016.
  • Finniss, C.M. de R. « Report of Hon. Recording Secretary. » Dans Annual Report of The Canadian Handicrafts Guild, Montreal 1912, 10. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Hibbert, C. Franklin. « Treasurer’s Statement: December 31 1908. » Dans Annual Reports of The Canadian Handicrafts Guild, Montreal, 61. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Judah, E.L. « Report of Permanent Collection Committee for 1931. » Dans Annual Report of The Canadian Handicrafts Guild, Montreal 1931, 16. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Judah, E.L. « The Permanent Collection. » Dans Annual Report of The Canadian Handicrafts Guild, Montreal 1933, 26. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Keenan, Winifred et Philipps, Mary M. « Minutes of Shop Committee Meeting. » Tenu le 18 juin 1908. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Lighthall, Alice. « Report of the Indian Committee. » Dans Annual Report of The Canadian Handicrafts Guild, Montreal 1939, 26. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Marriott, Adelaide. « Paris Exhibition, 1937: Canadian Handicraft Exhibit. » Dans Annual Report of The Canadian Handicrafts Guild, Montréal 1938, 6. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • « Minutes of the General Committee Meeting. » Tenu le 12 avril 1918. Les Archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Philipps, Mary M. « Minutes of Meeting of Executive Committee of June 11 1908. » Tenu le 11 juin 1908. Les Archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Ryde, E.S. « Minutes of Executive Committee Meeting of March 3, 1915. » Tenu le 3 mars 1915. Les Archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Savage, Helen L. « Report of Technical Committee. » Dans Annual Report of The Canadian Handicrafts Guild, Montreal 1914, 12. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Tait, M.M. « Minutes of General Committee Meeting of October 29 1908. » Tenu le 29 octobre 1908. Les Archives de La Guilde, Montréal, Canada.
  • Whitehead, Ruth Holmes. Micmac Quillwork: Micmac Indian Techniques of Porcupine Quill Decoration, 1600-1950. Halifax : Nova Scotia Museum, 1982.

IMAGES

(1-2) Photo de la réserve sur la rue Peel, 1965. C16 D3 033 1905-78.
(3) Photo d’une exposition incluant des objets de la collection, 1939. C4 D1 050 1939.
(4) Photo de Trilogie des Matières : Une collection incluant les mêmes objets qu’en 1939, 2022.
(5) Photo d’une exposition à la Montreal Art Association en 1934. C11 D3 214 1934.
(6) Photo de Trilogie des Matières : Une collection incluant les mêmes objets qu’en 1934, 2022.
(7) Photo d’une exposition de la collection de 1953. C4 D1 099-A 1953.
(8) Photo d’une sélection d’objets de la collection permanente inclus dans l’exposition de 1953, 2022.
(9) Photo de Trilogie des Matières : Une collection incluant les mêmes objets qu’en 1953, 2022.
(10) Photo d’une exposition de la collection de 1953. C4 D1 099-A 1953.
(11) Pamphlet de l’Exposition internationale sur l’art, l’artisanat et les sciences de 1937 à Paris. C14 D1 015 1937.
(12) Photo de l’Exposition internationale sur l’art, l’artisanat et les sciences de 1937 à Paris. C11 D3 229 1937.
© La Guilde, Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.

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